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Les informations nécessaires apparemment ne manquaient pas, aussi notre auteur promet-il qu'il donnera plus tard une description plus complète et plus accomplie des festivités. De ce qu'il a écrit, voici ce qu'il dit:

cest dictier notement fait Qui n'est encor, a mon advis, Parachevé, mes se je vye, En la correction des vifs Mectray mon pouvre diet mal fait. (str. 214)

Il compte pour son travail à venir sur la collaboration des participants qu'il n'a pas vus et avec lesquels il n'a pas eu le temps de s'entretenir, mais il craint qu'ils ne soient plus de ce monde. Aussi citant l'un ou l'autre de ceux-ci, il ajoute assez souvent:

Je prie a Dieu, s'ils ne sont vifs, Qu'en vueille héberger leurs âmes Au royaume de paradis. (str. 130)

Ou

S'il est mort, Dieu luy dont pardon. (str. 208)

Il donne l'impression d'avoir écrit assez longtemps après la joute, à un moment où beaucoup avaient déjà eu le temps de mourir. Mais cette impression est fausse, et il s'est mis au travail très vite après la clôture de la joute. Mais la vie humaine était alors fragile et courte, particulièrement la vie d'un soldat. Bien que la trêve entre les rois anglais et français ne datât que de la veille, la guerre civile et ses affrontements ne cessaient pas, et un chevalier pouvait mourir à n'importe quel moment. Aussi notre auteur a-t-il des craintes pour la survie des participants.

En outre il compte sur ses futurs lecteurs, qui s'intéresseront à son œuvre quand tous les personnages cités par lui seront sans doute déjà morts depuis longtemps, et il veut que l'on prie pour le salut de leurs âmes. Parlant du roi René, il écrit:

Du prince dont chascun dira Honneur, qui ce dit, cy lira Et pour son âme priera Qu'elle soit en paradis mise. (str. 174)

Notre auteur note assez précisément, comme le remarque avec justesse G. Bianciotto, l'époque de la composition de son?uvre. De fait, s'adressant au roi, il dit que

Ce dit fait ce darrain esté. (str. 244)

Dans cette phrase, pas d'indication de l'année, et cela pouvait être l'été 1446 mais pas obligatoirement. L'année paraît clairement dans une autre phrase:

Le pas d'armes, qui commença En juing, qui nagueres passa. (str. 14)

Dans ce cas il s'agit sans aucun doute de 1446. Selon G. Bianciotto, la composition alla d'août 1446 à février 1447, puisqu'en février le roi René partit pour la Provence, où notre auteur figurait vraisemblablement dans sa suite. Aussi se hâta-t-il de terminer son travail, dont il dit:

Pardonnez moy si je m'avance; Pour le voyage de Prouvence Je fais ung peu de proveancs Et m'en suis plustoust délivré. Aiez ung peu de pascience, Suppliez a mon inscience D'user de si sote science: Tantoust auray le dit livré. (sir. 209)

Pourtant, selon moi, on peut lui faire tout à fait confiance quand il dit que «ce dit fait ce darrain esté». Il est vraiment difficile d'admettre qu'il a terminé son travail au bout de douze mois, c'est-à-dire à la fin août. Mais il faut se rappeler qu'au Moyen Âge, on appelait été toute la saison chaude de l'année, que l'on divisait ainsi simplement en été et hiver. Aussi l'été comprenait une bonne partie de l'automne, et dans ce cas notre auteur pouvait parfaitement terminer son travail pendant «l'été».

Quel est l'univers intellectuel et moral de notre auteur et quelle culture avaitil reçu dans l'ermitage dont il parle? Ce qui saute aux yeux, ce sont ses connaissances historiques, car il évoque souvent des personnages historiques ou mythologiques, qui font partie presque exclusivement des héros du passé et forment une sorte de panthéon de la chevalerie. Il ne distingue naturellement pas les figures de la réalité des figures légendaires. Ils sont tous pour lui de vaillants chevaliers auxquelles il compare les participants de la joute de Saumur. Ce sont le roi Artur, et Charlemagne, et Perceval, et Roland, et Jules César, et Hannibal.

Mais ses connaisances historiques sont très confuses.

Alexandre qui conquis plus, Aussi Julius Gayus, Ces trois juits et deux païens. (str. 236)

A qui pense-t-il pour Gaius et Julius et qui est le troisième Juif? On pourrait supposer que Gaius et Julius ne sont autres que Caius Julius César, mais il le nomme un peu plus loin:

Julius César et les siens, Pompée, Cartaige et Priens Qui tant conquisdrent de biens… (str. 236)

Derrière toute cette confusion, il y a une culture historique tout à fait caractéristique de cette époque, une culture romanesque, c'est-àdire tirée des romans de chevalerie. Il a certes lu quelque chose à côté. C'est ainsi qu'il cite Végèce, quelques «histoires de Grèce, d'Albion, de Troie et de Lutèce», sans qu'on sache clairement à quoi il pense en parlant de ces «histoires».

Il ne cite précisément qu'une oeuvre historique: «les histoires de Beauvoir». C'est sans doute «le Miroir historique» de Vincent de Beauvais (str. 138). On peut attribuer la faute d'orthographe (r au lieu de s) à un copiste. Il renvoie à cette œuvre en expliquant l'origine du comté de Clermont, qui avait été au départ institué pour un des fils du roi Louis IX le Saint, mais notre auteur laisse là passer deux fautes dont on peut difficilement rendre responsable le copiste. Il appelle le fils du roi, Haubert, alors qu'il s'appelait Robert et il écrit qu'il était le second fils du roi, alors qu'en réalité il en était le sixième.

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